Le narrateur, Malo Claeys, d'origine extraterrestre, raconte comment son espèce venue de l'espace a pris possession de la planète et comment ils sont devenus les nouveaux maîtres.
"Peu de temps après, la pandémie a commencé. Le virus est passé des oiseaux aux volailles, et de la volaille aux hommes - ou bien d'emblée de nos corps aux leurs, cela, malgré toutes les enquêtes, on n'a pas pu le savoir, du moins jusqu'à présent. [...]
"Peu de temps après, la pandémie a commencé. Le virus est passé des oiseaux aux volailles, et de la volaille aux hommes - ou bien d'emblée de nos corps aux leurs, cela, malgré toutes les enquêtes, on n'a pas pu le savoir, du moins jusqu'à présent. [...]
La pandémie que nous avons déclenchée était d'une autre ampleur. Leurs médecins avaient beau ne pas manquer de bonne volonté ou de sens du sacrifice, ils travaillaient en flux tendu et se trouvaient déjà débordés par l'activité courante. Le calme qu'ils avaient su conserver, à plusieurs reprises, face à une pandémie d'origine animale, en se fiant au réseau d'institutions en place, les quittait brusquement devant l'inquiétante certitude qu'il s'agissait cette fois d'un virus allogène. Au-delà des difficultés sanitaires, c'était une question de préparation mentale. Tant qu'ils pouvaient blâmer les animaux, cela relevait à leurs yeux de leur juridiction : la maladie qui se propageait tenait à l'entassement partout de bêtes impotentes et affaiblies, elle n'était pas porteuse d'une volonté de nuire. Cette fois-ci, au contraire, engagés dans cette guerre qu'ils avaient choisi de nous livrer, ils soupçonnaient une intention, comme si nous avions froidement et sciemment résolu de transporter le conflit sur le terrain bactériologique. Leur fébrilité virait à la panique. Il y eut même dans le personnel hospitalier, même chez les militaires, beaucoup d'abandons de poste dans les régions où nous nous étions installés. Nous ne pouvions plus aller vers les hommes sans rencontrer d'abord leur peur. Elle les rendait méchants ou pitoyables. Une fois encore, ce n'était pas leur faute. La mort était partout et se lisait sur leurs visages. Alors que nous venions en paix, nous étions devenus ceux qui tuent, et eux ceux qui se savent condamnés à mourir."
Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, 2016, Seuil
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