mercredi 10 février 2016

Enseigner l'orthographe pour tous !

Dans le récent débat sur l'orthographe et les rectifications préconisées par le Conseil supérieur de la langue française et approuvées par l'Académie française en 1990, c'est moins la "réforme" en elle-même qu'il faut interroger, que relever un signe de plus d'une volonté politique d'une éducation à deux vitesses

Il s'agit moins, en effet, de simplifier l'orthographe de la langue française, que de réserver une forme savante de la langue à une élite, et de faire enseigner une forme vulgaire 1 à ceux qui n'en font partie. Le sort du grec ancien et du latin, dans la réforme du collège, procède du même escamotage.

Car si l'on voulait vraiment entreprendre une réforme de l'orthographe pour faciliter son apprentissage 2, on devrait, comme en italien ou en espagnol, passer à une orthographe phonétique.


Portrait de Stromae (Universal Music)
L'histoire passionnée et passionnante de la langue française conduit en France à ce que cela ne soit ni possible, ni, à mon sens, souhaitable.
L'orthographe du français fait corps avec la langue. Et le surcroît de sens, la richesse linguistique, sémantique et étymologique de l'orthographe du français, qui fait que le mot maître possède un accent circonflexe, souvenir d'un s disparu que l'on trouve dans le mot latin magister dont maître dérive, et que l'on retrouve dans master, maestro, Stromae, etc., c'est cela que l'on veut faire disparaître avec les rectifications orthographiques de 1990, enfin appliquées dans les manuels et les programmes scolaires en France. C'est l'occasion avec nos élèves de comprendre la richesse de la langue, l'histoire et l'évolution des mots, leur rapport de sens, les liens entre les langues.
A travers l'orthographe, dont on ne dit pas clairement 3 laquelle doit être enseignée, apprise, appliquée, c'est de culture et d'intelligence, de curiosité et de réflexion, dont on veut priver insidieusement les élèves.

L'orthographe pour tous n'est pas pour demain.


1. Vulgaire vient du latin vulgus, signifiant la foule, le peuple.
2. L'intention déclarée est d'harmoniser, de simplifier l'orthographe, et de faciliter son apprentissage ; pourtant, l'on crée des exceptions : par exemple, la suppression de l'accent circonflexe sur les voyelles i et u, sauf pour les terminaisons verbales.
3. Le cabinet de la ministre de l'Education Nationale indiquait jeudi 4 février que "ces règles sont une référence mais ne sauraient être imposées, les deux orthographes sont donc justes." 

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