mercredi 1 septembre 2021

Etudier un film d'Hitchcock sur la question de l'identité

Dans son étude sur l'identité, Loin de moi, le philosophe Clément Rosset illustre son propos par une analyse du film d'Alfred Hitchcock Une femme disparaît. ll aurait pu également prendre pour exemple La mort aux trousses, qui aurait pu avoir pour titre Un homme apparaît.  C'est en effet dans la peau et le corps d'un moi social vide, créé de toutes pièces par le Renseignement américain, celui d'un dénommé George Kapkan, que se glisse le personnage interprété par Gary Grant.

R.O.T. les initiales du héros interprété par Gary Grant

C'est donc dans le sillage des réflexions de Rosset que je souhaite déployer cette présentation d'exploitation pédagogique du célèbre film du réalisateur britannique.

La question qui servira alors de fil rouge peut se formuler de deux manières : qu'est-ce qui fonde notre identité, notre moi ? Quand suis-je moi-même ? 

Les métamorphoses du moi

Partons du film d'Hitchcock pour mettre en perspective cette thématique que nous trouvons dans le programme de la spécialité Humanités, littérature, philosophie.

Dans La mort aux trousses, le chef des services d'espionnage américain affirme à propos de leur espion inventé de toutes pièces, celui-là même dont le héros, Roger Thornill, va endosser l'identité : "Notre personnage fantôme vient de prendre corps." 

Autrement dit, en première analyse, ce qui fonderait notre identité propre, notre moi, ce serait notre corps, ce corps qui nous fait traverser le monde, exister au monde. Pourtant, notre corps vieillit, il change et ne reste pas identique à lui-même.

Le corps n'est donc qu'une enveloppe, un moi apparent.

Le corps change, disions-nous. N'en est-il pas de même du moi ? N'en est-il pas ainsi de Roger Thornill, qu'interprète Gary Grant ? En acceptant de devenir un autre, George Kaplan, il change, il se change, se métamorphose et devient lui-même.

Voici posés les termes de la thématique.

Le moi est insaississable : c'est donc un moi social que nous offrons au regard des autres, un moi que nous habillons et que nous parons.

Souvenons-nous du philosophe Pascal, et de l'idée selon laquelle ce n'est pas la personne elle-même que nous aimons, mais ses qualités, physiques, intellectuelles, morales, qui sont "périssables".

La recherche de soi

Alors le moi ne serait qu'apparence, illusion ? Et de toute recherche de soi, toute introspection (pour reprendre la critique de Rosset dans l'essai cité) vaine ?

Faisons à nouveau appel à notre personnage hitchcockien pour répondre : si l'on suit toutes les péripéties de Roger Thornill (jusqu'à la fameuse scène au mont Rushmore), nous nous rendons compte qu'il accepte de devenir un autre pour devenir lui-même, et cela sous le regard d'Eve, l'espionne tombée amoureuse de lui, qui le fait définitivement abandonner sa vie rangée et devenir un James Bond. C'est Eve qui pousse Thornill à devenir un autre soi-même, c'est dans son regard qu'il se métamorphose.

Autrement dit, je ne suis moi-même que par et pour l'autre.

Thornill métamorphosé en porteur et Eve


Le guidage pédagogique

Pour parvenir avec des élèves à cette conclusion, nous pourrons les guider avec cette série de questions sur le film d'Hitchcock, réalisé pour mémoire en 1959 :

1. A quel problème d'identité se heurte le personnage principal du film, Roger O. Thornill ?
La question a trait au quiproquo identitaire, point de départ de l'intrigue.

2. Que sait-on de la personne nommée George Kaplan jusqu'à la 37ème minute du film ?

La réplique, acerbe et drôle,de Mme Thornill mère, "il est possible que ses costumes le transforment en homme invisible", pourra être là commentée.

3. Pourquoi peut-on dire que le film est le récit d'une métamorphose, celle de Thornill ? Caractérisez les différentes identités qui sont les siennes au cours du film.

4. Qu'est-ce que nous enseigne le film d'Hitchcock de l'identité d'une personne ?

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