"Les pédagogues modernistes pratiquent un art consommé de la "pensée chewing gum" et de la dénégation. Ils entortillent leurs phrases et embrouillent les pistes, affirment une idée pour dire, aussitôt ou quelques pages plus loin, tout autre chose dans un tourbillon qui déconcerte. Tout se mêle : constat sociologique, critique de l'école républicaine de Jules Ferry, lutte contre la violence à l'école, développement de la "citoyenneté", prise en compte de l'hétérogénéité des élèves... Le tout entend ni plus ni moins "refonder" l'école dans la continuité supposée des idéaux républicains.
En développant les analogies fallacieuses, en usant de notions floues, ils entretiennent constamment l'ambiguïté et peuvent s'en tirer toujours à bon compte en disant qu'on les a mal interprétés. Ils peuvent même intégrer de façon purement formelle les arguments adverses, jurer de leur bonne foi et indiquer à chaque fois qu'il s'agit de malentendus.
|
Ryan McGuire, http://gratisography.com |
Il n'en émerge pas moins des idées forces qui expriment une nouvelle conception de l'école. Au nom de la lutte contre les inégalités, les phénomènes de désocialisation et de violence, ces nouvelles orientations renforcent la confusion ambiante et tirent vers le bas l'enseignement. Elles contribuent à mettre à mal l'idée même de promotion sociale et culturelle liée à l'école républicaine, érodent la conception de la culture et renforcent de fait les inégalités. Et tandis que les modernistes continuent de clamer leurs bonnes intentions et d'expérimenter sur une échelle de plus en plus large leurs nouvelles méthodes, nombre de parents inquiets, dans les milieux les plus favorisés, optent pour des établissements d'élite ou le secteur privé."
Jean-Pierre Le Goff, La barbarie douce, 1999
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire