mardi 6 octobre 2020

Travailler logique et cohérence du récit : la machine à temps (1)

La machine à voyager dans le temps

Le motif de la machine à explorer le temps est un support extrêmement efficace pour travailler avec nos élèves la logique et la cohérence de leurs textes.
C'est l'occasion de mieux définir avec eux, 
par l'exemple, ce critère qui apparaît dans tous nos barèmes d'évaluation d'expression écrite, critère difficile à cerner, tant du côté de ceux qui sont évalués, que de l'évaluateur.

Au sein d'une séquence (pour un public de collégiens dans le système français) consacrée à des récits de machine à voyager dans le temps, j'ai donc amené mes élèves à réfléchir à ce critère, à partir de la lecture d'une très courte nouvelle de Fredric Brown, La première machine à temps (parue en 1964, dans le recueil Lune de miel en enfer).

Le texte intégral à lire et télécharger ICI.

L'autre grand intérêt de l'activité est l'interaction créée, les échanges nombreux qui ont lieu en classe, qu'il s'agit alors de canaliser, tellement, comme je l'ai connu, des discussions presque sans fin se produisent. Le sujet passionne, et les hypothèses fusent...

Le piège diabolique, Edgar P. Jacobs

Un récit à interroger

Le dispositif, si l'on peut appeler ainsi, est de proposer à la lecture le début et la fin de la nouvelle, de faire recueillir par les élèves plusieurs indices, à partir desquels ils feront oralement des hypothèses de récit logique.

En voici le début : « Messieurs, dit le Dr Grainger d’une voix solennelle, voici la première machine à traverser le temps, la première Machine à Temps. »
Ses trois amis écarquillèrent les yeux devant la machine.


Et la fin : Soixante ans plus tard, le Dr Grainger dit, d’une voix solennelle :
« Messieurs, voici la première machine à traverser le temps, la première Machine à Temps. »
Ses deux amis écarquillèrent les yeux devant la machine.


Le Dr Grainger sera rapidement identifié comme l'inventeur d'une machine à voyager dans le temps, la répétition à l'identique de ses propos remarquée et interrogée. 
Deux indices seront également questionnés par les élèves. De trois amis, nous sommes passés à deux. Alors même que la répétition des mêmes paroles nous ferait croire que le même événement est raconté deux fois, ou qu'il se reproduit, le glissement de trois à deux personnages (assistant à ce qui semble être une présentation, comme une inauguration, le début de quelque chose en somme), interroge sur le retour à l'identique de cet événement. Et de poser la question aux élèves : comment expliquez-vous la disparition du troisième ami ? 
Le deuxième indice à questionner est l'indice temporel "soixante ans plus tard". 

De ces deux questions, qui en contiennent une troisième, que s'est-il passé entre le début et la fin du texte ?, naît une conversation animée entre les élèves, avec au cœur de leurs hypothèses, des voyages dans le temps.
La disparition d'un des trois amis s'expliquera logiquement par son départ dans le passé.

Il sera temps alors de mettre en relief la logique nécessaire à l'écriture d'un récit, et de tout texte en général, logique qui s’appuiera sur la cohérence des faits racontés entre eux. Les mots logique et cohérence étant insuffisants à expliquer le critère, il faudra parler également de vraisemblance des faits, à savoir que le lecteur doit croire au récit qui lui est fait. Et surtout faire comprendre que tout texte crédible est une construction.

Faire saisir aux élèves que la logique et la cohérence d'un texte se construisent, que c'est parce que l'on raconte tel ou tel événement que le lecteur accepte la vraisemblance et la logique de tel ou tel autre événement.

C'est donc de l'enchaînement des faits qu'il sera question aussi quand on parle de logique et de cohérence.

Si la discussion nous y emmène, nous pourrons revenir sur l'indice temporel. Soixante ans plus tard ? Par rapport à quel événement ? Par rapport à qui ? Une logique temporelle, une construction temporelle, seront à mettre en place par l'élève dans le récit que nous lui demanderons de rédiger.

Un récit à écrire

Deuxième phase de l'activité, nous demandons donc d'écrire le récit de ce qui s'est passé entre le début et la fin de la nouvelle de Brown.

La lecture des productions écrites en classe permet de revenir à nouveau sur le critère de logique et de cohérence, en faisant commenter les élèves sur les productions de leurs camarades.

Ainsi, telle élève a imaginé que l'un des amis de l'inventeur, s'étant porté volontaire, disparut dans le passé et que la machine revint vide ; tel autre qu'en allant dans le passé, l'ami provoqua la disparition d'un des deux autres dans leur présent ; un troisième que, parti sans le consentement du Dr Grainger dans le passé, il se fit subtiliser la machine, et que le voleur revint à sa place dans le présent ; un autre élève, que l'ami du Dr Grainger, bien décidé à détruire cette invention diabolique, partit dans le passé jusqu'aux origines du projet pour le saboter, mais qu'il ne réussit qu'à l'empêcher momentanément, mais le conduisit à rester coincé dans le passé.

La variété des récits imaginés permet de déclencher une réflexion avec les élèves sur les possibilités, les virtualités du texte littéraire, sur ce que le texte dit ou tait.

Le sujet d'un prochain article.

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