L'actualité de Parcoursup m'amène à partager quelques réflexions sur ce blog pas encore obsolète. Chaque société humaine a ses rituels d'initiation à l'âge adulte. Les épreuves (les bien nommées) du baccalauréat l'étaient jusqu'à encore très récemment pour la société française. C'est maintenant Parcoursup qui forme l'homo numericus d'aujourd'hui. La véritable épreuve pour des centaines de milliers de lycéens français, c'est Parcoursup.
Et il ne faudrait pas croire que passer Parcoursup est plus facile que passer le bac.
En publiant les résultats une quinzaine de jours avant le début des épreuves terminales, Parcoursup déprécie le baccalauréat. Il le rend obsolète. Le bac ne possède plus aucun réel enjeu, à partir du moment où le lycéen de terminale sait qu'il a une place réservée à l'Université, en IUT, BTS, écoles de commerce, ou CPGE. L'obtention du bac valide seulement le ticket émis par Parcoursup.
Qu'en est-il dans ce contexte des épreuves anticipées de français ?
Elles ressemblent de plus en plus à une fiction, par le décalage entre ce qu'elles prétendent évaluer (l'analyse d'œuvres et de textes littéraires, à travers l'explication linéaire, le commentaire littéraire et la dissertation sur œuvre) et la réalité des connaissances et des pratiques de lecture des élèves. On entretient, par exemple, l'illusion d'élèves lecteurs dans l'épreuve orale, où le candidat doit discuter d'une œuvre lue dans son année de classe de première.
Tout enseignant de littérature aujourd'hui peut s'en rendre compte : il est plus efficace de faire passer et comprendre aux élèves des notions littéraires et des outils d'analyse par l'entremise de l'étude de séquences de films que par la lecture d'extraits de texte ou d'œuvres littéraires, qui ne sont plus, pour une grande majorité des élèves, ni intéressants, ni même compréhensibles.
On ne peut donc que constater l'obsolescence des épreuves du baccalauréat.
Le Fil Pédagogique
Didactique, formation, réflexion, numérique, FLE, FLS, philosophie, littératures.
mercredi 4 juin 2025
De l'obsolescence programmée du baccalauréat
mercredi 13 mars 2024
Découvrir Rimbaud poète & photographe
Dans ma série découverte des auteurs au programme de classe de première (là, une activité consacrée à l'abbé Prévost), intéressons nous à Arthur Rimbaud, poète & photographe. L'objectif est d'explorer différentes facettes du poète et du mythe, ses multiples vies, d'ancrer l'intérêt des élèves pour la figure rimbaldienne.
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Sur la terrasse de la maison Bardey, Harar, autoportrait, 1883 |
Pour ce faire, nous utiliserons deux documentaires : Verlaine et Rimbaud : deux poètes inspirés par la passion et Rimbaud photographe en Abyssinie.
L'exploitation des deux vidéos pourra se faire également en classe de FLE, dans le cadre d'une étude culturelle et littéraire de l'œuvre d'Arthur Rimbaud.
Avec des élèves attentifs au projet éditorial du premier des deux documents (celui centré sur la relation Verlaine/Rimbaud), il sera pertinent d'échanger sur la façon dont l'époque et le milieu littéraire et artistique se saisissent de la figure du poète et la récupèrent : au poète mystique, ésotérique, au poète adolescent rebelle, pour citer quelques exemples, succède aujourd'hui le poète homosexuel.
Le questionnaire de compréhension orale (téléchargeable ici) permettra aux élèves de se familiariser avec la biographie du poète, en particulier, sa vie après son renoncement à la poésie, de découvrir que "l'homme aux semelles de vent" n'a pas totalement abandonné en Afrique tout projet d'écriture et artistique. Il permettra aussi de mettre en place plusieurs perspectives littéraires et esthétiques, qu'il sera loisible (et utile) de réinvestir à différents moments de l'étude de ses poèmes, plus particulièrement ceux extraits des Cahiers de Douai.
Mes élèves ont pu ainsi, lors de cette activité, construire les représentations suivantes : le poète nomade/aventurier/fugueur (idée centrale dans le processus créateur du Rimbaud adolescent), l'artiste insaisissable/énigmatique (au cœur du génie rimbaldien), l'homme imprévisible/insatisfait/en quête.
mercredi 1 mars 2023
Découvrir la biographie de l'abbé Prévost
Manon Lescaut de l'abbé Prévost est désormais l'un des 3 récits au programme des classes de première. Pour connaître la biographie de son auteur, pourquoi ne pas commencer par la fin et s'intéresser à la légende sur sa mort, qui est apparue une vingtaine d'années après son décès en 1763 ?
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portrait présumé de l'abbé Prévost, Jacques André Aved |
L'activité consiste en une compréhension orale d'une émission radiophonique consacrée à cette légende - dans le contexte de mon enseignement actuel, un lycée français à l'étranger qui scolarise quasi exclusivement des élèves non francophones natifs, cette activité a particulièrement sa place et son utilité.
L'émission "Le jour où l'abbé Prévost est autopsié de son vivant" à écouter ICI, et le questionnaire associé en ligne LA.
A noter, le titre paradoxal, sur lequel on pourra s'appuyer avant de faire écouter le document et faire débattre nos élèves : comment expliquer ce titre ? Comment peut-on autopsier un homme vivant ?
Cette activité sera également une bonne entrée en matière pour faire réfléchir nos élèves sur les notions de romanesque et de vraisemblable, une fois découverte la vie aventureuse de notre auteur.
mercredi 4 janvier 2023
Recycler un document vidéo : amour et super héros !
Dans les débats récents sur l´éducation en France revient souvent la question du temps de travail des enseignants.
Pour en gagner, voici un exemple de réutilisation pédagogique, ici d'une publicité d'Orange utilisée dans un autre contexte d'enseignement et pour un autre objectif, et présentée dans cet article.
Pour mémoire, l'histoire mise en scène dans la publicité expose deux manières stéréotypées de séduire, l'une virile et narcissique, l'autre plus décentrée et romantique.
mercredi 30 novembre 2022
Enseigner avec le cinéma
C'est généralisé à tous les enseignements, le cinéma est aujourd'hui une porte d'entrée pédagogique des plus efficace. Sans réduire mes exigences en matière de lecture et d'interprétation de textes littéraires, j'utilise très régulièrement des extraits d'œuvres cinématographiques dans mes cours d'enseignement de spécialité Humanités, littérature, philosophie, dans un aller-retour entre séquences de film et extraits littéraires.
On trouvera ICI une programmation cinéma/littérature pour l'enseignement de la spécialité en classe de terminale.
Nul doute que des enseignants de français, de lettres, de philosophie ou de FLE, y trouveront des pistes d'exploitation pédagogique en fonction des entrées thématiques de leur enseignement.
mercredi 16 mars 2022
Faire lire Baudelaire
Lire à nos élèves poèmes, extraits de théâtre et de roman, nous le faisons régulièrement ; nous le leur demandons également.
C'est là un exercice qu'il faut accompagner. Aussi, n'oublions pas de leur proposer exemple et modèle qu'ils peuvent écouter et réécouter, qui leur permettent de travailler en autonomie.
Récemment, dans le cadre du programme de classe de première, j'ai proposé l'exercice suivant à mes élèves, pour les inciter à circuler dans l'oeuvre de Baudelaire, Les Fleurs du Mal, et se l'approprier.
En voici les consignes (dans la visée de l'épreuve orale du baccalauréat) :
Choisissez un poème du recueil de Charles Baudelaire, autre que ceux étudiés en classe.
Faites une présentation en 4 étapes : présenter le poème, le lire de façon expressive, indiquer la structure du texte, exposer la problématique.
Ecoutez la lecture du poème pour préparer votre lecture expressive ICI.
Répertoriant une grande partie des pièces du recueil de Baudelaire, ce site est une ressource indispensable !
mardi 21 décembre 2021
Enseigner les Humanités (4)
- la figure du maître,
- la figure du dandy et du poète voyant,
- la figure du double.
mercredi 1 septembre 2021
Etudier un film d'Hitchcock sur la question de l'identité
Dans son étude sur l'identité, Loin de moi, le philosophe Clément Rosset illustre son propos par une analyse du film d'Alfred Hitchcock Une femme disparaît. ll aurait pu également prendre pour exemple La mort aux trousses, qui aurait pu avoir pour titre Un homme apparaît. C'est en effet dans la peau et le corps d'un moi social vide, créé de toutes pièces par le Renseignement américain, celui d'un dénommé George Kapkan, que se glisse le personnage interprété par Gary Grant.
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R.O.T. les initiales du héros interprété par Gary Grant |
C'est donc dans le sillage des réflexions de Rosset que je souhaite déployer cette présentation d'exploitation pédagogique du célèbre film du réalisateur britannique.
La question qui servira alors de fil rouge peut se formuler de deux manières : qu'est-ce qui fonde notre identité, notre moi ? Quand suis-je moi-même ?
Les métamorphoses du moi
Partons du film d'Hitchcock pour mettre en perspective cette thématique que nous trouvons dans le programme de la spécialité Humanités, littérature, philosophie.
Dans La mort aux trousses, le chef des services d'espionnage américain affirme à propos de leur espion inventé de toutes pièces, celui-là même dont le héros, Roger Thornill, va endosser l'identité : "Notre personnage fantôme vient de prendre corps."
Autrement dit, en première analyse, ce qui fonderait notre identité propre, notre moi, ce serait notre corps, ce corps qui nous fait traverser le monde, exister au monde. Pourtant, notre corps vieillit, il change et ne reste pas identique à lui-même.
Le corps n'est donc qu'une enveloppe, un moi apparent.
Le corps change, disions-nous. N'en est-il pas de même du moi ? N'en est-il pas ainsi de Roger Thornill, qu'interprète Gary Grant ? En acceptant de devenir un autre, George Kaplan, il change, il se change, se métamorphose et devient lui-même.
Voici posés les termes de la thématique.
Le moi est insaississable : c'est donc un moi social que nous offrons au regard des autres, un moi que nous habillons et que nous parons.
Souvenons-nous du philosophe Pascal, et de l'idée selon laquelle ce n'est pas la personne elle-même que nous aimons, mais ses qualités, physiques, intellectuelles, morales, qui sont "périssables".
La recherche de soi
Alors le moi ne serait qu'apparence, illusion ? Et de toute recherche de soi, toute introspection (pour reprendre la critique de Rosset dans l'essai cité) vaine ?
Faisons à nouveau appel à notre personnage hitchcockien pour répondre : si l'on suit toutes les péripéties de Roger Thornill (jusqu'à la fameuse scène au mont Rushmore), nous nous rendons compte qu'il accepte de devenir un autre pour devenir lui-même, et cela sous le regard d'Eve, l'espionne tombée amoureuse de lui, qui le fait définitivement abandonner sa vie rangée et devenir un James Bond. C'est Eve qui pousse Thornill à devenir un autre soi-même, c'est dans son regard qu'il se métamorphose.
Autrement dit, je ne suis moi-même que par et pour l'autre.
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Thornill métamorphosé en porteur et Eve |
Le guidage pédagogique
Pour parvenir avec des élèves à cette conclusion, nous pourrons les guider avec cette série de questions sur le film d'Hitchcock, réalisé pour mémoire en 1959 :
1. A quel problème d'identité se heurte le personnage principal du film, Roger O. Thornill ?
La question a trait au quiproquo identitaire, point de départ de l'intrigue.
2. Que sait-on de la personne nommée George Kaplan jusqu'à la 37ème minute du film ?
La réplique, acerbe et drôle,de Mme Thornill mère, "il est possible que ses costumes le transforment en homme invisible", pourra être là commentée.
3. Pourquoi peut-on dire que le film est le récit d'une métamorphose, celle de Thornill ? Caractérisez les différentes identités qui sont les siennes au cours du film.
4. Qu'est-ce que nous enseigne le film d'Hitchcock de l'identité d'une personne ?